Question 3 - Origine vs Sans commencement

Question

Vous parlez de l'origine, alors que le bouddhisme réfute l'idée d'un début de toutes choses. Est-ce juste pour la compréhension ?

Réponse

On peut sans doute reformuler cette question de la manière suivante :

J'ai entendu dire que Nichiren Daishōnin a été le premier Bouddha à réaliser le Dharma dans le passé reculé appelé Kuon Ganjo.

Or, le Dharma du Bouddha enseigne que ce monde est sans commencement ni fin, mais lorsque vous parlez de Kuon Ganjo, on dirait qu'il y a un commencement et j'ai l'impression qu'il y a une contradiction avec la notion de sans commencement ni fin.

Effectivement, les notions de « cause originelle », « d’effet originel », de « Bouddha originel » de Kuon Ganjo (le tout début de l’origine lointaine et étendue) semblent contradictoires avec celle de « sans commencement ».

En fait, lorsqu’on lit le Sutra du Lotus, il faut savoir qu’il y a trois niveaux de lecture : celui de la doctrine éphémère, celui de la doctrine originelle et celui du profond des phrases de la doctrine originelle. Pour cette dernière lecture, seul Nichiren Daishōnin, ses successeurs Grands Patriarches héritiers de la transmission vitale et, par extension, les moines de l’école sont capables de nous transmettre la signification de ce qui est enfoui au profond des phrases de la doctrine originelle.

La notion de longévité du Bouddha depuis le passé apparaît pour la première fois dans le 16ème chapitre du Sutra du Lotus. Jusque-là, tous les disciples pensaient que le Bouddha Shakyamuni avait atteint l’éveil pour la première fois dans cette vie. C’est ce que l’on nomme « la réalisation de l’éveil véritable pour la première fois » (jp. Shijō shōgaku - 始成正覚).

Dans le Sutra du Lotus, la longévité du Bouddha est exprimée par les deux idéogrammes formant le mot « kuon » (久遠). Le premier, « ku » () exprime la longueur dans le temps, tandis que le second « on » () exprime la longueur dans l’espace. Or, cette notion de « passé transcendant le temps et l’espace » se décline selon les trois degrés différents dont je viens de parler : celui de la doctrine éphémère du Sutra du Lotus, celui de la doctrine originelle du Sutra du Lotus et celui du profond des phrases du Sutra du Lotus.

Tout d’abord, pour ce qui est de la doctrine éphémère, au 7ème chapitre, la Ville transitoire, dans un passé appelé « le passé long et lointain de trois mille grains de poussières d’éons (sanzen jinden gō - 三千塵点劫), un Bouddha appelé Grands Pouvoirs Vainqueur en Sagesse enseignait le Sutra du Lotus. Après son extinction, seize princes enseignèrent à leur tour le Sutra du Lotus. Le 16ème prince est présenté comme le corps antérieur du Bouddha Shakyamuni réapparu en Inde. Grâce à cette causalité le vénéré Shakya aida les êtres de racines inférieures à atteindre la libération dans cette vie, de son vivant.

La durée appelée "trois mille grains de poussière d’éon" fait référence au temps long et illimité pendant lequel les terres de trois mille grands milles mondes (vision du monde dans laquelle l'étendue du soleil, de la lune et du mont Sumeru représente un monde, mille fois ce nombre sont mille petits mondes, mille fois mille petits mondes donnent mille moyens mondes et mille fois mille moyens mondes donnent mille grands mondes) sont réduits en poussière. Une minuscule poussière est déposée chaque fois que mille terres sont passées dans la direction de l'est. Lorsque toutes les poussière sont épuisées, toutes ces terres sont à nouveau réduites en poussière, chaque grain de poussière représentant un éon, désignant une durée de temps incommensurablement longue.

Dans le 16ème chapitre, appelé « Durée de la vie de l’Ainsi-Venant (Nyorai juryō hon - 如來壽量品), le vénéré Shakya parle cette fois de 500 grains de poussière d’éon dans ces termes : « cinq mille millions de myriades de milliards de quantités incalculables de mondes tricosmiques (go hyaku sen man noku. Nayuta. A sō gi - 五百千萬億。那由佗。阿僧祇), révélant ainsi le moment où il réalisa la voie et, de là, sa nature véritable. C’est ce que l‘on appelle « l’éveil véritable dans le passé lointain » (kuon jitsujō - 久遠実成). Même le passé extraordinairement lointain des trois mille grains de poussière révélé dans la doctrine éphémère, ne représente que le souvenir de la veille par rapport au passé des cinq cents grains de poussière, incommensurablement plus long, de la doctrine originelle.

Telles sont les notions de passé (kuon) enseignées au niveau des phrases du Sutra du Lotus de Shakyamuni.

En réponse, Nichiren Daishōnin a révélé le « tout début de l’origine lointaine et étendue (kuon ganjo - 久遠元初) doctrine cachée au profond des phrases du Sutra du Lotus. Si « kuon » désigne la longueur dans le temps et l’espace, le « gan () de ganjo signifie « le début », « l’origine », le « jo » () signifie « la première fois ». Kuon ganjo désigne un temps encore beaucoup plus reculé que le passé infini des cinq cents grains de poussière. Dans le Traité sur les considération des Bouddhas dans les trois phases, Nichiren Daishōnin écrit :

« Avant le passé de cinq cents grains de poussières d’éons, alors qu’il était un homme ordinaire, l’Ainsi-venant Shakya s’éveilla au fait qu’il était lui-même la terre, l’eau, le feu, le vent et l’espace et ouvrit instantanément la bouddhéité ».

« Avant le passé de cinq cents grains de poussières d’éons » (Gohyaku jindengō no sono kami - 五百塵点劫の当初) désigne bel et bien le « tout début de l’origine lointaine et étendue » (kuon ganjo). « L’Ainsi-venant Shakya » dont il est question ici et qui a ouvert instantanément l’éveil alors qu’il était un homme ordinaire est le Bouddha originel, Personne identique au Dharma. Ce Dharma est Nam Myōhōrengekyō de l’ensemencement de la cause originelle, Dharma identique à la Personne.

Dans le Traité en cent six points, Nichiren Daishônin indique :

« La pratique du vénéré Shakya dans le passé infini ne diffère en rien de celle de Nichiren aujourd'hui ».

Ce qui signifie qu’en terme de comportement du Bouddha, kuon ganjo et la Fin du Dharma sont parfaitement identiques.

En outre, dans son Traité sur les rites et pratiques de cette Ecole, le 26ème grand patriarche Nichikan Shōnin précise :

« La période actuelle de la Fin du Dharma est tout-à-fait le tout début de l’origine lointaine et étendue ».

Ainsi, du point de vue de la doctrine du profond des phrases, à présent, dans la période de la Fin du Dharma, le Bouddha et le Dharma qu’il propage, ainsi que la prédisposition des êtres qui reçoivent ce Dharma, sont exactement les mêmes qu'à l'époque kuon ganjo. Dès lors, on peut dire que la Fin du Dharma EST le tout début de l’origine lointaine et étendue et le tout début de l’origine lointaine et étendue EST la Fin du Dharma

 

A présent, envisageons la chose de cette manière :

Nichiren Daishōnin est né au Japon dans la Fin du Dharma, fils de Mikuni-tayu et Umegiku. Pratiquant le bouddhisme depuis son plus jeune âge, il s'est éveillé au fait qu'il était lui-même l'incarnation de Myōhōrengekyō (Sutra du Lotus) et a commencé à réciter lui-même le Daimoku.

Alors pourquoi Nichiren Daishōnin fut-il capable de pratiquer et d’ouvrir l’éveil sans que personne ne lui enseigne ?

Cela fut possible parce que Nichiren Daishōnin était le Bouddha originel qui avait déjà atteint l’éveil au tout début de l’origine lointaine et étendue (kuon ganjo) et était né avec la vie du Bouddha originel du tout début de l’origine lointaine et étendue. Par conséquent, Nichiren Daishōnin fut capable de s’éveiller sans que personne lui enseigne quoi que ce soit, chose absolument impossible pour nous autres êtres ordinaires. C'est la différence entre le Bouddha originel et les gens ordinaires.


Alors, comment le Bouddha originel a-t-il été éclairé au début de la période Kuon et à quoi ressemblait-il à cette époque ?

Nichiren Daishōnin est né homme ordinaire dans la Fin du Dharma et a atteint l’éveil par l’ascèse...... Il n’y a aucune différence, mais l’éveil au tout début de l’origine lointaine et étendue est décrit dans le Traité sur le sens de la substance et le Traité sur les considération des Bouddhas dans les trois phases de la manière suivante :

« Le principe suprême ne possédait pas de nom. Lorsque le Saint, observant ce principe attribua un nom à toutes choses, il perçut qu'il existe cette Loi unique inconcevable de la simultanéité de la cause et l'effet, qu’il nomma Myōhōrenge. Cette loi unique qu'est Myōhōrenge englobe en elle tous les phénomènes composant les dix mondes et les trois mille domaines, sans qu’il n’en manque un seul. Toute personne qui pratique cette loi obtiendra simultanément la cause et l'effet de la bouddhéité. Le Saint a pratiqué avec cette loi comme maître et a atteint l’éveil. Il a donc obtenu simultanément la cause merveilleuse et l'effet merveilleux de la bouddhéité, devenant ainsi l’Ainsi-venant à l’éveil parfait et aux vertus pleinement réalisées ».

Et, comme nous l’avons vu précédemment,

« Avant le passé de cinq cents grains de poussières d’éons, alors qu’il était un homme ordinaire, l’Ainsi-venant Shakya s’éveilla au fait qu’il était lui-même la terre, l’eau, le feu, le vent et l’espace et ouvrit instantanément la bouddhéité ».

En d'autres termes, il est dit ici que le saint (l’Ainsi-venant Shakyamuni), encore au degré de l’homme ordinaire, a découvert Myōhōrengekyō, qui imprègne la racine du monde des dharmas de l’univers et, lorsqu'il a lui-même récité le Daimoku Myōhōrengekyō, le monde du Bouddha a été créé dans son corps ordinaire, faisant de lui un homme ordinaire identique au Bouddha à l’éveil ultime.

Telle fut la réalisation du Bouddha au tout début de l’origine lointaine et étendue, et la réapparition de ce Bouddha dans la Fin du Dharma fut Nichiren Daishōnin.

Ce dernier écrivait encore :

« Ce que récita oralement le vénéré Shakya du passé infini est ce que Nichiren récite aujourd’hui. (…) L’ascèse de Nichiren est la transposition du passé infini ».

Par conséquent, l’éveil de Nichiren Daishōnin dans la Fin du Dharma est la reproduction de l’éveil au tout début de l’origine lointaine et étendue.

 

De plus, la raison pour laquelle le Bouddha originel du tout début de l’origine lointaine et étendue a pu atteindre l’éveil à partir du corps d'homme ordinaire est exactement la même que celle pour laquelle Nichiren Daishōnin de la Fin du Dharma a pu atteindre l’éveil.

En d'autres termes, on peut voir ici que la même chose s'est produite bien avant, et qu'il est né doté de cette grande vie. Cela signifie qu’il existe également un tout début de l’origine lointaine et étendue antérieur au tout début de l’origine lointaine et étendue considéré du point de vue de la Fin du Dharma.

De même, le nom "Fin du Dharma" « Mappō » signifie que les œuvres et vertus de l’enseignement du Bouddha Shakyamuni sont altérées et ont disparu, mais en même temps, cette période est le "tout début de l’origine lointaine et étendue", lorsque le Bouddha fondamental et le Dharma fondamental apparaissent.

Par conséquent, le tout début de l’origine lointaine et étendue n'est pas limité à un seul point dans le temps, marquant un début, mais se répète dans un cycle continu sur la base de l'incarnation du Bouddha. Cette notion n’entre donc pas en contradiction avec celle du sans commencement ni fin.

Dans les Rites de cette Ecole, le 26ème grand patriarche Nichikan Shōnin écrivait :

« L’époque actuelle de la Fin du Dharma est complètement le tout début de l’origine lointaine et étendue ».

Il est dit ici que la Fin du Dharma est la reproduction du tout début de l’origine lointaine et étendue et que ce passé infini est tel quel la Fin du Dharma.

 

Par conséquent, le tout début de l’origine lointaine et étendue (kuon ganjo) est un concept complètement différent de cette notion absurde enseignée dans le christianisme de création du ciel et de la terre par un Dieu tout-puissant soudainement apparu lorsque le ciel et la terre étaient dans le chaos et qui a tout créé, ce qui serait le début de toutes choses.

 

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