Chapitre 10 - Fondement et signification de l’analyse des enseignements du Bouddha selon les Cinq Périodes du Tendai

Préambule

Non seulement les sutras bouddhistes sont volumineux en quantité, mais de nombreuses doctrines semblent se contredire lorsqu'on tente de les comprendre de manière transversale. Les jugements et analyses des enseignement largement pratiqués au cours des dynasties du Nord et du Sud de la Chine constituent un point de départ important pour comprendre le bouddhisme. En particulier, les analyses doctrinales de l’école du Tendai, réputées être la version définitive des jugements doctrinaux restent utiles pour comprendre la doctrine bouddhiste jusqu'à aujourd'hui.

 

Comme on le sait, l’analyse doctrinale du Tendai est organisée en cinq périodes classées en fonction du moment où les sutras ont été prêchés, telles que l’Ornementation fleurie, le Parc des daims, les sutras développés, la sagesse, la Fleur du Dharma, le Nirvana, en quatre méthodes d’enseignements, subit, graduel, secret et indéterminé, et quatre contenus des enseignements, les enseignements des corbeilles, communs, particuliers et parfait. C’est ce que l’on appelle les cinq périodes et les huit enseignements.

Le cadre de cette analyse doctrinale a été organisé par le grand Maître Tendai Zhiyi (538-597), le fondateur matériel de l’Ecole du Tendai. Puis, à travers ses disciples Zhāng-an Guàn-ding (561-632), qui nota et rédigea ses cours, et Jing-xi Zhan-ran (711-782), qui commenta les trois ouvrages majeurs de Tendai, elle s'est enracinée sous les noms de cinq périodes, quatre enseignements du Dharma, quatre méthodes d’enseignements et, finalement, sous le nom les cinq périodes et les huit enseignements.

Plus tard, lors d'un séjour au Temple Dengyō-in de l'école du Tendai en Chine, le Coréen Taegwan rédigea les Quatre doctrines du Tendai, qui résument l'essentiel des doctrines de l'école. L'ouvrage fut ensuite publié dans une édition gravée sur bois par Kosan Chien (976-1022), un grand prêtre du courant Sangai de l'école du Tendai. Depuis lors, l’analyse dogmatique de Zhiyi est utilisée dans les milieux bouddhistes chinois, coréens et japonais.

La théorie des cinq périodes au sein des analyses doctrinales de Zhiyi tente de clarifier le but des enseignements en utilisant comme indice la période approximative au cours de laquelle les sutras (par groupes) ont été prêchés. Une fois que l'on a compris ce principe, cela peut être d'une grande aide pour lire et comprendre la signification de la grande quantité de sutras. Cependant, la question qui se pose est de savoir sur quelle base cette classification par période a été établie et si elle est valable ou non. Même si les classifications sont valables, il est alors nécessaire de comprendre exactement quelles sont les caractéristiques de chaque période.

Pour déterminer la date à laquelle les sutras ont été prêchés, il était nécessaire d'examiner les lieux où ils ont été prêchés, les participants présents, les circonstances environnantes, le contenu des sermons, etc. sans omission, mais la tâche de lire et de comparer un si grand nombre de sutras était en soi une tâche colossale et, dans le contexte de l'Inde, où l'histoire n’a jamais été enregistrée, il n'y avait pas suffisamment de preuves historiques pour commencer, de sorte que ce fut sans doute une tâche extrêmement difficile. On sait qu'il y a des phrases dans le contenu du sermon qui révèlent des périodes de temps spécifiques, tel que l'âge et les années, il était donc plus objectif de les utiliser comme base, même si elles ne sont pas aussi nombreuses en termes de quantité.

La raison pour laquelle Zhiyi a divisé le moment des sermons en cinq période en examinant les divers sutras est que chacun d'entre eux a ses propres caractéristiques significatives, de même que les 365 jours de l'année sont divisés en quatre saisons car chaque saison a ses propres caractéristiques.

Par exemple, la première des cinq périodes dans l’analyse de Zhiyi est la période de l’Ornementation fleurie (kegon-ji). Tout le monde peut facilement être d'accord avec cela. En effet, le moment de l'enseignement est clairement indiqué au début du Sutra.

« AINSI AI-JE ENTENDU. À un moment donné, le Bouddha se trouvait dans le pays de Magadha, dans un état de pureté, sur le lieu de l'illumination, venant de réaliser le véritable éveil ».

Il est clair que ce sutra a été prêché peu après l’atteinte de l'illumination du Bouddha sur le lieu de son éveil, sous l'arbre Bodhi au pays de Magadha.

S’il apparaît évident que le Sutra de l’Ornementation fleurie fut le premier enseignement donné par le Bouddha, établir la chronologie des autres enseignements fut un travail extraordinairement difficile. Pour donner un exemple, pour Zhiyi, cette phrase du premier chapitre du Sutra du Lotus « si des hommes, confrontés  à la douleur, prennent en dégoût vieillesse, maladie et mort, ils (les Bouddhas) leur prêchent l’Extinction (Nirvana), qui mènera les douleurs à leur terme », à laquelle il adjoint cette phrase du chapitre des moyens « ayant réfléchi à ces choses, je me dirigeai vers Vanarasi (Bénarès) ( …) j’ai prêché aux cinq moines », phrases auxquelles, en rajoutant celle-là du Sutra du Nirvana : « Autrefois, à Varanasi, je tournais la roue du Dharma pour tous les auditeurs et, d'abord à Kusinagara je tournai la plus grande roue pour les Bodhisattvas. », il comprit que les Sutras Agama furent prêchés après le Sutra de l’Ornementation fleurie. Je ne vais pas suivre Zhiyi dans son analyse méthodique des sutras, de leur chronologie et de leur contenu. Je vais me contenter de résumer cette analyse, sachant que le Bouddha Shakyamuni avait un objectif précis dans l’enseignement de chaque période.

Les 5 périodes

La première période fut la période de l’Ornementation fleurie (kegon).

Elle se déroula sous l’arbre bodhi, près de Gaya et dura 21 jours.

Au cours de cette période, Shakyamuni enseigna le Sutra de l’Ornementation fleurie du grand Bouddha correct universel. L’école fondée sur ce sutra est l’Ecole de l’Ornementation fleurie

L’objectif de Shakyamuni en enseignant ce sutra était la soudaineté. « La soudaineté » (jp. gigi), signifie « sonder la prédisposition ». Cela signifie « octroyer le sutra de l’Ornementation fleurie aux êtres pour sonder leur prédisposition ». Autrement dit, le vénéré Shakya ayant obtenu l’éveil, réfléchit au moyen de guider les êtres. Il exposa le sutra de l’Ornementation fleurie — issu de sa réflexion qui contient les significations élevées du Grand Véhicule — de manière à sonder leurs capacités vis-à-vis de la voie du Bouddha.

Or, voyant les auditeurs hébétés à l’écoute de cet enseignement, il poursuivit son prêche par les sutras plus abordables de la deuxième période.

Cette deuxième période est la période Agama (agon).

Elle se déroula au parc des daims à Bénarès et dura 12 ans. Les sutras prêchés au cours de la période Agama sont :

Les Instruction par rubriques de un et plus

Les Instructions longues

Les Instructions moyennes

Les Instructions diverses

Les Ecoles fondés sur ces enseignements, qui se rattachent au Petit véhicule, sont le Trésor de la scolastique (Gusha), Accomplissement de la vérité (Jōjitsu) et les Commandements (Ritsu)

L’objectif que cherchait à atteindre Shakyamuni au cours de cette période était la séduction.

« La séduction » (jp. yūin), signifie « attirer », « initier ». Il s’agissait d’octroyer les sutras Agama à une partie des êtres. En effet, si Shakyamuni avait donné, de but en blanc, les profondes doctrines du Grand Véhicule aux auditeurs et aux Bouddhas pour soi c’est-à-dire les deux véhicules des êtres de prédisposition moindre, ceux-ci n’auraient pas pu les comprendre. Aussi, pour les « attirer » progressivement vers les enseignements élevés, leur enseigna-t-il d’abord des enseignements mineurs qui leur serviraient de base.

La 3ème période est la Période des sutras développés (hōdō).

Elle se déroula au grand pavillon des trésors entre le monde des désirs et le monde de la matière. Elle dura 16 ans au cours desquels, le Bouddha Shakyamuni prêcha le Shrimala Sutra, Sutra de la compréhension du profond mystère, le Lankavatara Sutra, le Shuramgama Sutra, Sutra de l’observation, le Sutra des vies infinies, le Sutra du grand soleil, l’Amitabha Sutra, le Sutra de la radiance d’or, le Sutra de l’accomplissement de la perfection, le Sutra de la couronne de diamant, le Vimalakirti Sutra.

Les Ecoles fondées sur ces sutras sont la Nature des dharmas (Hossō), la Terre pure (Jōdō), la Véritable école de la Terre pure (Jōdō shinshū), les Ecoles de la méditations (Zen) l’Ecole des paroles véritables (Shingon).

En enseignant ces sutras, le Bouddha Shakyamuni avait pour objectif le discrédit.

Le « discrédit » (jp. danka), signifie « exclure », « réprimander vertement » les êtres. Cet objectif fut réalisé par les sutras développés. Il s’agissait de contester et de détruire l’attachement des êtres pour les enseignements mineurs du Petit Véhicule, afin de faire éveiller en eux un cœur qui affectionne le Grand Véhicule, en leur montrant la noble vérité du Grand Véhicule.

La 4ème période fut la Période de la sagesse (hannya).

Elle se déroula en quatre lieux et 16 cérémonies. Les lieux étaient le Mont sacré des aigles et la Terre des routes blanches. Le va et vient entre ces deux lieux donne 4 lieux et 16 cérémonies.

La Période de la sagesse dura 14 ans au cours desquels, Shakyamuni enseigna le Grand Sutra de la perfection de la sagesse, le Sutra de la louange de la lumière de la sagesse, le Sutra de la sagesse adamantine. L’école fondée sur ces sutras est l’Ecole des Trois traités (sanron). L’objectif que s’était donné Shakyamuni pour cette période est le filtrage. Le « filtrage » (jp. tōta) : l’idéogramme (jp. tō) signifie « laver le riz ». C’est « laver », « plonger dans l’eau ». L’autre idéogramme, (jp. da), signifie également « plonger dans l’eau », « nettoyer ».

Entre les personnes qui ont un esprit étriqué et celles qui ont un esprit large, il existe une grande dissimilitude. C’est ce que de nos jours, on appelle « la différence ». En bouddhisme, on enseigne « la différence » et « l’égalité ». Le mot « différence » désigne les dissemblances entre les visages ou la constitution physique, la différence de sexe entre l’homme et la femme, les disparités entre les capacités individuelles, toutes ces distinctions étant dues à la conditionnalité. Autrement dit, en ce monde, tout est l’aspect de la différence, ce qui représente une facette du principe véritable.

Le « filtrage » consiste à rassembler ce qui présente des différences, sélectionner et uniformiser. C’est pourquoi il s’agit de nettoyer les différences visibles. Dès lors, même pour les gens du Petit Véhicule, à partir du moment où ils ont ouvert l’éveil de la sagesse (jp. hannya) du Grand Véhicule, les enseignements du Petit Véhicule, en eux-mêmes, possèdent les significations du Grand Véhicule. Et ces significations et valeurs apparaissent. C’est ce qu’on nomme « le filtrage », ce qui fut octroyé aux prédispositions par les sutras de la Sagesse.

La 5ème période est la Période Lotus/Nirvana (hokke/nehan).

Elle se déroula sur le Mont sacré des aigles et dans les airs, soit 2 lieux et 3 cérémonies. Elle dura 8 ans

Les Sutras de cette période sont le Sutra des Sens infinis (mont sacré des aigles), le Sutra du Lotus (Mont sacré des aigles, cérémonie dans les airs), le Sutra de la méthode de contemplation du bodhisattva Sage-Universel (Mont sacré des aigles) et le Sutra du Nirvana (Bois de sāla).

Les Ecoles fondées sur ces sutras sont le Tendai et les Ecoles Nichiren

L’objectif de Shakyamuni lors de cette période était l’ouverture (intégration)

Le dernier objectif, « l’ouverture-intégration » (jp. kai-e), désigne le Sutra du Lotus. C’est « ouvrir la signification dans le fait que l’origine de tous les sutras réside dans le sutra du Lotus ». Autrement dit, tous les sutras sont apparus, chacun en tant que moyen exprimant une petite partie du sutra du Lotus. Enfin, lorsque la signification du sutra du Lotus est ouverte, cette fois, tous les sutras pénètrent dans le sutra du Lotus. C’est ce qu’on nomme « l’intégration ». De là également, le sutra du Lotus constitue la base de tous les autres sutras et le mot « sutra » (KYŌ) du sutra du Lotus constitue la raison pour laquelle tous les autres peuvent être appelés « sutra ».

 

Sources documentaires

 

Tendai Goji kyōhan no konkyō to imi - Choi, Gi-pyo

 

 

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