Chapitre 3 - L’Éveil de Gautama

Après qu’il eut quitté le château paternel, les troubles ne cessaient cependant pas dans le cœur du Prince et beaucoup de démons le tentaient en disant : “Il vaudrait mieux pour toi retourner au palais et trouver quelque autre solution : ainsi le monde entier pourrait t’appartenir.” Mais il fut capable de réduire ces voix démoniaques au silence en réalisant que rien de mondain ne pourrait jamais le satisfaire. Alors il se rasa la tête et tourna ses pas vers le Sud, portant un bol à aumônes dans ses mains.

Cette décision irrévocable, sans appel et sans retour s’appelle "l’éveil de l’aspiration à la bouddhéité". Depuis toujours, ce dernier constitue le point de départ indispensable lorsqu’on entreprend d’arpenter la voie du Bouddha.

Gautama chercha en premier lieu un maître. Le Prince visita d’abord Ālāra Kālāma, puis Uddaka Rāmaputta afin de suivre leurs enseignements et leurs pratiques. Du premier, il apprit le néant, état de vie dans le quel on n’est pas attachés à l'espace illimité ou à sa propre conscience. Du second, il apprit la « dimension ni de perception ni de non-perception », état de vie dans lequel on est libre de toute pensée discriminatoire ordinaire et ne conserve que les traces les plus infimes de toute pensée discriminatoire. Les deux méthodes de pratiques, fondées sur des méditations n’étaient en fait que du calme mental. Or le calme ne déracine pas les causes de la souffrance. Il ne peut apporter qu'une paix temporaire, c'est pourquoi Gautama les rejeta. Ce n’était pas la libération. Le Bouddha s’éveilla au fait que la vraie liberté est sans désir, sans attachement et sans soi. Vite déçu de ces maîtres, qu’il surpassa au bout de deux mois, il se rendit au Magadha et suivit sa propre ascèse, faite de mortifications, de jeûnes terribles dans la forêt d’Uruvilva, sur les rives de la Nairanjana, la rivière qui coule près du château de Gaya. Son entraînement fut incroyablement sévère. Il se stimulait avec la pensée suivante : “Aucun ascète dans le passé, le présent et l’avenir, n’a pratiqué, ne pratique ni ne pratiquera avec plus de sévérité que moi.” Mais le Prince n’arrivait toujours pas à atteindre son but. Après six ans (12 selon une autre thèse) dans la forêt, il rejeta toute pratique ascétique. Il se baigna dans la rivière et accepta un bol de lait de Sujata, une servante qui vivait dans le village voisin.

Les cinq compagnons qui avaient vécu avec le Prince durant toutes ces années, partageant sa vie d’austérité, furent scandalisés de le voir accepter du lait de la main d’une servante. Ils pensèrent qu’il avait déchu et ils le quittèrent.

Ainsi le Prince resta seul. Il était encore faible, mais, au péril de sa vie, il tenta une nouvelle période de méditation, se disant à lui-même : “Quand bien même mon sang s’épuiserai, ma chair se dessécherait, mes os tomberaient en poussière, je ne quitterai pas cet endroit jusqu’à ce que j’aie trouvé le chemin de l’éveil.”

Enfin, il s’assit un soir sous un Ficus religiosa et, se livra à une lutte intense et incomparable. Son cœur fut désespéré et rempli de pensées confuses, de sombres ténèbres couvrirent son esprit, il fut investi par tous les leurres des démons. Mais avec soin et patience, il les regarda un par un et les élimina les uns après les autres. Ce fut vraiment un dur combat : son sang suinta, sa chair dépérit, ses os craquèrent. Cependant, quand l’étoile du matin apparut dans le ciel oriental, le combat était fini et l’esprit du Prince était aussi clair et brillant que l’aurore. Il avait enfin trouvé le chemin de l’éveil sans égal. Il expérimenta alors l’absolu. Il s’identifia à l’absolu. Il comprit le principe unique et universel de la vie et de la mort, il perçut le véritable aspect des choses. Ce fut le 8 décembre, alors qu’il avait 35 ans (30 selon une autre thèse), que le Prince devint Bouddha.

Depuis ce moment-là, le Prince fut connu sous divers noms. Certains l’appelèrent Bouddha (l’Éveillé – ) ; d’autres, le Tout-Illuminé (Dai Gaku – 大覚) ; d’autres encore le nommèrent Śâkyamuni (釈迦牟尼), le “Sage du clan des Śâkyas”, d’autres enfin l’appelèrent Vénéré du Monde (Seson – 世尊).

Libéré de toutes souffrances, il pensait qu'il ne prêcherait pas car ce qu'il avait réalisé serait trop difficile à comprendre pour les gens ordinaires qui n'avaient rien pratiqué et serait mal compris. Brahmā, qui s'en inquiétait, descendit des cieux vers le Bouddha et lui conseilla de prêcher en expliquant la diversité des êtres sensitifs. Le Bouddha fut alors pris de compassion à la pensée des hommes encore pris au piège de leurs illusions, enlisés dans les sables mouvants de l’égarement, souffrant dans un monde chimérique. Leur réalité n’était qu’un rêve, un mauvais rêve pour le désormais Bouddha (éveillé). Il eut alors à cœur de les éveiller à leur tour, de les extraire de leur cauchemar. Il déclara à Brahmā qu'il prêchera avec compassion et Brahmā disparut joyeusement.

Mais comment faire ? Comment faire partager son expérience unique ? D’autant plus, que, même s’il leur exposait la vérité et combien même fussent-ils capables de la comprendre intellectuellement, il fallait en outre qu’ils la vivent, l’expérimentent par le biais d’une pratique.

C’est dans ce contexte que Gautama mis en mouvement la roue du Dharma. Pour cela, Il gagna d’abord le Parc des Gazelles (Mrigadava) à Bénarès, où il s’adressa aux cinq hommes l’ayant suivi dans sa démarche philosophique et ascétique depuis le début. Ils avaient pour nom Ājñāta Kauņdinya, Aśva Jit, Bhadrika, Vāşpa et Mahā Nāman. Les deux premiers étaient des parents maternels de Gautama et les trois autres, des parents du côté de son père. Ce dernier, le roi Śuddhodana les avait en fait dépêchés auprès de son fils, afin de le protéger.

Le désormais Bouddha, ne put trouver meilleur auditoire pour tester la compréhension des êtres à la vérité.

Ils cherchèrent d’abord à l’éviter, puis, quand il leur eut parlé, ils crurent en lui et furent ses premiers disciples. Ensuite, il se rendit au Château de Rajagriha et convertit le roi Bimbisara, qui avait toujours été son ami. De là, il parcourut toute la région, vivant d’aumônes et convertissant les gens afin de les guider, eux aussi, vers l’éveil.

Les gens lui répondirent comme des assoiffés cherchant de l’eau ou comme des affamés en quête de nourriture. Deux grands disciples, Śariputra et Maudgalyayana vinrent à lui avec leurs deux mille élèves.

Au début, le père du Bouddha, le roi Śuddhodana, encore tout attristé au-dedans de lui-même de la décision qu’avait prise le Prince de quitter le palais, se tint à l’écart, mais par la suite, il devint son disciple fidèle ; Mahaprajapati, la belle-mère du Bouddha, la Princesse Yaśodhara, son épouse, Rahoula, leur fils et tous les membres du clan des Śâkyas crurent en lui et le suivirent. Et beaucoup d’autres gens devinrent ses disciples dévoués et fidèles.

 

Nouvelles publications

Depuis le 18/09/2014