Chapitre 9 – Introduction du Bouddhisme en Chine

Les quatre nobles vérités

Après qu’il eut obtenu l’éveil, le Bouddha Shakyamuni commença à prêcher le Dharma. C’est ce que l’on appelle la mise en mouvement de la roue du Dharma. Il avait trente ans.

En premier lieu, il enseigna les quatre nobles vérités. A savoir :

Le monde est rempli de souffrances. La naissance est souffrance, la vieillesse est souffrance, la maladie est souffrance, la mort est souffrance ; rencontrer un être détesté est souffrance ; être séparé d’un être aimé est souffrance ; ne pas pouvoir satisfaire ses désirs est souffrance. En résumé, une vie qui ne peut se libérer des attachements est souffrance. Voilà ce qu’on appelle la Noble Vérité sur la Souffrance.

Si l’on recherche les causes de ces souffrances humaines, on ne peut douter qu’elles soient dues aux passions qui assaillent le cœur de l’homme. Si l’on remonte à l’origine de ces passions, on la trouve enracinée dans tous les désirs intenses avec lesquels on vient au monde. Ces désirs, fondés sur un impérieux besoin de vivre, cherchent à s’emparer de tout ce qu’on voit et de tout ce qu’on entend. Il y a même des désirs qui se tournent vers la mort. Voilà ce qu’on appelle la Noble Vérité sur l’Origine de la Souffrance.

Si l’homme réussit à déraciner complètement ses passions et à se défaire de tous ses attachements, il mettra fin à ses souffrances. Voilà ce qu’on appelle la Noble Vérité sur la Suppression de la Souffrance.

Pour entrer dans l’état où il n’y a ni désir ni souffrance, il faut suivre le chemin en huit branches, à savoir : la Vue Correcte, la Pensée Correcte, la Parole Correcte, la Conduite Correcte, la Vie Correcte, l’Effort Correct, l’Attention Correcte et la Concentration Correcte. Voilà ce qu’on appelle la Noble Vérité sur le Chemin qui mène à la Suppression de la Souffrance.

Il faut garder ces vérités clairement présentes à l’esprit, car le monde est rempli de souffrances et si quelqu’un désire échapper à la souffrance, il doit dénouer les liens des passions. C’est seulement par l’Illumination qu’on obtient un état libre de passions et de souffrances. Or, c’est seulement en suivant le chemin en huit branches qu’on atteint l’Illumination.

Ceux qui cherchent l’Illumination doivent connaître ces Quatre Nobles Vérités. Si on ne les connaît pas, on erre sans fin dans le dédale des illusions du monde. Quand un homme comprend ces Quatre Nobles Vérités, on dit qu’il a acquis l’œil de l’Illumination.

Si on comprend clairement ces Quatre Nobles Vérités, on peut se libérer de ses passions ; et si on se libère des passions, on ne se querelle avec personne, on ne tue pas, on ne vole pas, on ne commet pas d’adultère, on ne ment pas, on ne médit pas, on ne flatte pas, on n’envie pas, on ne se fâche pas et, sans jamais oublier le caractère passager de la vie, on ne s’écarte pas du bon chemin.

Suivre le Noble Chemin, c’est comme pénétrer dans une chambre obscure avec un flambeau. L’obscurité s’évanouit et la lumière remplit la chambre. Si on comprend le sens des Nobles Vérités et si on suit le Noble Chemin, on possède la lumière de la Sagesse qui chasse les ténèbres de l’ignorance.

La causalité

Il y a une cause à toute souffrance et il y a aussi un moyen d’y mettre fin. Et pourquoi ? Parce que tout résulte en ce monde d’un vaste concours de causes et de conditions et tout disparaît quand ces causes et ces conditions changent.

Qu’il pleuve, que le vent souffle, qu’une plante fleurisse, que des feuilles tombent, tout a une cause pour naître et une autre cause pour périr.

Un enfant naît dans certaines conditions créées par les parents ; quand il est né, son corps grandit grâce à la nourriture et son esprit se développe grâce à l’éducation et à l’expérience.

Le corps et l’esprit dépendent tous deux de causes et ils évoluent grâce à des causes.

Les mailles d’un filet sont retenues par les nœuds qui les lient. De même, tout est retenu par des liens. Ce serait une grave erreur de penser qu’une maille du filet peut subsister en elle-même. Une maille est une maille à cause des autres mailles. Chaque maille est nécessaire à l’existence des autres mailles.

Une fleur s’épanouit par le concours de plusieurs causes et les feuilles tombent aussi par le concours de plusieurs causes. Sans ces causes, la fleur ne s’épanouit pas et la feuille ne tombe pas. La fleur s’épanouit grâce à certaines causes et la feuille tombe grâce à certaines autres causes. Tout doit subir des changements. Rien ne peut exister par soi-même et rien ne peut demeurer sans changer.

Voici la seule chose qui ne bouge pas entre le ciel et la terre, la seule chose qui soit immuable : tout naît avec une cause et périt avec une autre cause.

L’enchaînement des causes

Où dont est la source de la souffrance, du chagrin, de la peine et de l’angoisse ? Dans le fait qu’on est ignorant et plein de désirs. On s’accroche à une vie de richesses et d’honneurs, à une vie de bien-être et de plaisir, à une vie d’agitation et d’égoïsme, sans savoir que le désir même de ces choses est source de souffrances.

Dès le commencement du monde, l’homme a été affligé de toutes sortes de calamités. De plus, il ne peut éviter la maladie, la vieillesse et la mort, trois choses qui sont cause de tristesse et de douleur.

Cependant, si on réfléchit, on voit que c’est à cause des attachements que la tristesse et la douleur existent. Si on pouvait seulement mettre fin à ces attachements, la tristesse et la douleur disparaîtraient.

La cause de ces attachements est l’ignorance et toutes les conceptions fausses qui remplissent le cœur de l’homme. Cette ignorance et ces fausses conceptions proviennent du fait que l’homme ignore la vraie loi qui préside à la succession des choses. A cause de cette ignorance et de ces fausses conceptions, on convoite ce qu’on ne peut pas obtenir, on s’y attache et on s’y cramponne. Faire des discriminations là où il ne devrait pas y en avoir provient de l’ignorance et de la convoitise. Faire une distinction entre le bien et le mal là où il n’y en a pas, provient de l’ignorance et de la convoitise.

A cause de l’ignorance, les êtres ont toujours des pensées fausses et ils perdent toujours la juste manière de voir. A cause de l’ignorance, ils s’attachent à eux-mêmes et commettent le mal. Ils se perdent alors sur des chemins erronés.

Voici une comparaison : le domaine des actes (Karma) est un champ ; la pensée discriminante (la vision dualiste) est la graine ; on recouvre celle-ci avec l’ignorance ; on l’arrose avec les mauvais désirs et l’égoïsme ; on y ajoute l’engrais de la convoitise : c’est comme cela que naît l’erreur.

Tout cela se passe dans l’esprit. Par conséquent, c’est l’esprit qui est la cause de ce monde d’illusions, de souffrances, de chagrins, de peines et d’angoisses. Ce monde illusoire tout entier n’est qu’une ombre causée par l’esprit, mais c’est aussi de l’esprit que vient l’Illumination.

Il y a trois erreurs en ce monde ; si on se cramponne à ces erreurs, il n’y a pas d’issue en ce monde.

La première erreur, c’est de croire que tout dans le monde est régi par le Destin. La deuxième erreur, c’est de penser que tout est créé par un dieu et dépend de sa volonté. La troisième erreur, c’est d’affirmer que tout vient du hasard sans qu’il n’y ait ni cause, ni condition.

Si tout dépendait du Destin, le bien et le mal seraient prédestinés, le bonheur et le malheur seraient prédestinés et il n’y aurait rien qui ne soit prédestiné. Dans ce cas, il serait impossible de dire : “Il faut faire ceci et ne pas faire cela.” Les êtres perdraient l’espoir et le goût de l’effort ; il n’y aurait en ce monde ni progrès ni avancement.

Dire que tout est sous la dépendance d’un dieu ou qu’il n’y a ni cause ni lien se heurte à la même objection. Si les choses allaient ainsi, il n’y aurait aucune raison de faire quoi que ce soit pour éviter le mal et faire le bien.

Donc ces trois manières de voir sont fausses, car tout naît d’une cause et tout périt par une cause.

Pendant 50 ans, le Bouddha parcourut le pays en prêchant. Mais quand il atteignit 80 ans, alors qu’il se trouvait à Vaisali, sur la route qui va de Rajagriha à Śravasti, il tomba malade et il annonça que trois mois plus tard, il atteindrait le Nirvana. Il voyagea encore jusqu’à Pava, où il fut frappé encore plus gravement par la maladie à la suite d’un repas offert par le forgeron Cunda. Ensuite, par petites étapes, en dépit de sa grande souffrance et de sa faiblesse, il atteignit la forêt qui avoisine Kusinagara.

Là, se couchant entre deux grands arbres Sala, il continua à enseigner ses disciples jusqu’au dernier moment. Ensuite, quand il eut terminé son œuvre comme le plus grand des maîtres spirituels de l’humanité et comme le plus aimable des hommes, il entra dans la Parfaite Tranquillité.

Sous la conduite d’Ananda, son disciple le plus cher, les amis du Bouddha brûlèrent son corps à Kusinagara. Le roi Ajataśatru et sept rois du voisinage demandèrent que les cendres leur soient partagées. Au début, le roi de Kusinagara avait refusé cette idée et cela avait engendré une querelle qui avait failli se terminer en guerre. Cependant, sur les conseils d’un sage nommé Drona, la querelle se dissipa et les cendres furent partagées entre les huit royaumes. Les cendres du bûcher funèbre et la cuve de terre qui avait contenu le corps furent donnés à deux autres rois afin d’être pareillement honorés. Ainsi, de grandes tours commémorant le Bouddha, les Stupas, furent construites pour contenir les cendres et les restes du Bienheureux.

Pendant les cinquante années au cours desquelles il enseigna, il n’écrivit jamais rien. Ce sont ses disciples qui, après sa mort se réunirent pour compiler tous ses enseignements sous la forme de sutras et de commandements.

Compilation des sutras - Formation et traduction des écritures bouddhistes

Un sutra est un livre qui décrit les enseignements du Bouddha. Sutra est un mot sanskrit qui signifie "fil". C’est le fil qui relie ensemble et se réfère à des règles simples. Les sutras n'ont pas été écrits par le Bouddha lui-même, mais ont été créés par ses disciples après sa mort, rassemblant et révisant les enseignements qu'ils avaient entendus.

Autre les « Sutras », qui représentent le canon bouddhique, il y a les « commandements ». Ces derniers constituent l’ensemble de règles et de commandements à suivre par ceux qui vivent selon les enseignements du Bouddha. Par la suite le contenu des Sutras et des commandements fut examiné et des livres de commentaires et de pensées philosophiques furent écrits. C'est ce qu'on appelle les "traités". Les Sutras, les commandements et les traités du bouddhisme furent combinés pour former la triple corbeille (sk. Tripitaka, jp. Sanzô 三蔵). À l'origine, le mot "sutra" désignait la partie de la doctrine prêchée par le Bouddha Shakyamuni parmi les trois corbeilles, mais en Chine et au Japon, ces trois corbeilles furent collectivement regroupées sous le terme "sutra", le mot "sutra" désignant dès lors, le bouddhisme en général.

Compilation des Sutras du Bouddha

Après la mort du Bouddha, des conciles furent organisés pour que les disciples puissent rassembler et préserver les enseignements de manière adéquate. C'est ce qu'on appelle la compilation des écritures bouddhistes. Les principaux conciles sont, dit-on, les quatre suivants.

Le premier concile se déroula l'année de la mort du Bouddha Shakyamuni. Cinq cents moines se réunirent au Sud de Rājagṛha dans le royaume de Magadha, sous l’égide du roi Ajatasatru. Mahakasyapa, premier héritier de la transmission du Bouddha, présida ce concile, au cours duquel Upari récita les commandements et Ananda le Dharma, qui furent classés et mis en ordre.

Le deuxième concile s'est tenu à Vaiśālī, cent ans après la mort du Bouddha, où sept cents moines, dirigés par le roi Kalaśoka, récitèrent les commandements, thème central du concile, afin de contrôler l'Ordre. Lors de la récitation, des désaccords sur des points les plus subtils de la doctrine et de la pratique, virent le jour. De ces désaccords naquit une scission en deux groupes : le « courant des anciens », pro-traditionaliste et le "courant des masses" tolérant à l'innovation. Cette scission est appelée la "division fondamentale du bouddhisme". La période qui précède ce schisme est appelée "bouddhisme primitif", tandis que la période qui le suit, est appelée "bouddhisme des courants", qui donna naissances au courant Hinayana (le Petit véhicule) et au courant Mahayana (le Grand véhicule).

Le troisième concile, dirigé par Maudgaliputra Tiśya eut lieu environ 200 ans après la mort du Bouddha et attira un millier de personnes au temple Keionji dans la ville de Pāṭaliputta, sous la tutelle du roi Asoka. Ce concile aurait complété les trois corbeilles des sutras, des commandements et des traités dans le but de corriger la confusion qui régnait au sein de la doctrine bouddhiste.

Le quatrième concile eut lieu environ 400 ans après la mort du Bouddha Shakyamuni, sous la tutelle du roi Kanishka. On dit que cinq cents moines se réunirent pour éditer une compilation du Traité de l’Abhidharma mahavibhasha (Texte majeur des alternatives).

 

Introduction du bouddhisme en Chine

Au premier siècle de notre ère, lempereur Mingdi vit en rêve un homme doré à la tête auréolée. Un conseiller lui ayant dit que cétait là la description dun dieu occidental nommé Bouddha, Mingdi missionna des émissaires vers Tianzhu (天竺, Tiānzhú, Nord-Ouest de l’Inde) pour en rapporter des effigies.

Le conseiller sera désigné comme Zhong Hu, et la délégation, composée de 18 personnes, aurait été menée par Cai Yin, Qin Jing et Wang Zun. Selon certaines sources, ce seraient eux qui, en 67, auraient ramené de l’Afghanistan les deux moines Kasyapamatanga et Dharmavanya avec des effigies et quarante-deux citations bouddhiques constituant le Sūtra en quarante-deux sections (《四十二章經》).

En 68, l’empereur Mingdi patronna la fondation du Temple du Cheval blanc (白馬寺, Báimǎsì), premier temple bouddhiste en Chine, que Yang Xuanzhi (VIe siècle) situe au sud de l’avenue impériale de Luoyang, à trois lis de la porte de Xiyang. La légende prétend que les sutras étaient portés par un cheval blanc, et que l’emplacement du temple fut choisi par l’animal qui s’arrêta net peu avant la capitale, refusant d’aller plus loin.

A partir de ce moment-là et pendant plusieurs siècles, les sutras furent introduits en Chine. Le problème qui se posa alors était la traduction. Traduire des concepts inconnus écrits dans une langue étrangère n’est pas chose aisée. Au début, les Chinois assimilèrent par exemple la vacuité, concept central du bouddhisme, au nihilisme de Lao-Tseu. De nombreux moines traducteurs se mirent à l’ouvrage, mais celui dont l’empreinte reste encore présente est sans conteste le Tripitaka Kumarajiva (350-409). Ce dernier dirigea à Chang'an durant les quinze dernières années de sa vie la traduction en chinois d’au moins vingt-quatre ouvrages qui exercèrent une influence considérable sur le bouddhisme chinois. Ses traductions, écrites dans une langue fluide et claire, pénétrées de la pensée de la perfection de la sagesse et de la voie du milieu, font encore autorité. Il est considéré comme le fondateur de lécole des Trois Traités (jp. Sanron shû, cn. Sānlùnzōng 三論宗).

Cependant, malgré l’excellence des traductions, la compréhension des Chinois n’était pas au rendez-vous. A l’époque des dynasties du nord et du sud (420-589) il existait dix types d’enseignements du bouddhisme différents, dont trois au sud du Fleuve Yangtsé et sept au nord.

Il fallut attendre le 6ème siècle pour que Zhiyi, le grand maître du Tendai apparaisse et établisse une classification claire et sans équivoque de tous les enseignements du Bouddha.

Il établit une classification selon trois critères.

1. La chronologie, énonçant l’ordre selon lequel Shakyamuni donna ses enseignements

2. Le Contenu des enseignements, comparable à la composition d’un médicament

3. La méthode d’enseignement, comparable à la posologie du médicament.

Zhiyi détermina ainsi cinq périodes d’enseignements, quatre contenus doctrinaux et quatre méthodes d’enseignements.

 

 

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