Chapitre 2 - La motivation de Gautama

Avant d’entrer dans le vif du sujet, à savoir quel est le contenu de l’éveil du Bouddha, la manière dont il voit le monde, la différence avec notre propre manière de percevoir les divers phénomènes et la raison pour laquelle cette vision nous fait souffrir et nous empêche de voir la réalité des choses et comment nous pouvons néanmoins nous aussi devenir Bouddha, il convient de nous pencher sur les raisons qui motivèrent le Prince Gautama, qui avait devant lui un avenir doré, le pouvoir, la jeunesse, la santé et la gloire, qui avait vécu toute sa vie dans une atmosphère de joie, à abandonner tout pour devenir un moine errant, mendiant sa nourriture.

Chapitre 2 : la motivation de Gautama

Au pied de la chaîne de l’Himalaya, sur le versant méridional et au bord de la rivière Rohini, se trouvait Kapilavastu, la capitale du clan des Śâkyas.

Le roi Śuddhodhana Gautama avait construit un grand château et il gouvernait avec sagesse, gagnant la joyeuse sympathie de ses sujets.

Le nom de la reine était Mâya. Elle était la fille de l’oncle du roi, qui gouvernait un district voisin du même clan Śâkya.

Pendant vingt ans, le couple royal n’eut pas d’enfants. Après un rêve étrange, dans lequel elle vit un éléphant blanc lui entrer dans le sein par le côté droit, la reine Mâya fut enceinte. Le roi et son peuple se préparèrent avec joie à la naissance de l’enfant royal. Selon la tradition, la reine retourna chez ses parents pour la naissance. En chemin, sous un merveilleux soleil printanier, elle se reposa dans le jardin de Lumbini.

Elle était entourée de fleurs d’Aśoka, et comme elle étendait sa main droite pour en cueillir une branche, le prince naquit. Le ciel, la terre et le monde se réjouirent de tout cœur de la gloire de la reine et de son enfant royal. Ce jour mémorable était le 8e jour d’avril.

La joie du roi fut extrême et il nomma son fils Siddhartha, ce qui signifie : “Accomplissement de tous les désirs”.

Cependant, dans le palais royal, la tristesse succéda rapidement à la joie, car quelques jours après, la bien-aimée reine Mâya mourut soudainement. Sa jeune sœur, Mahâprajapati, prit la place de sa mère auprès de l’enfant et l’éleva avec amour.

A cette époque, un ermite du nom d’Asita, qui vivait dans les montagnes non loin du palais, remarqua un rayonnement lumineux entourant la demeure royale ; il l’interpréta comme un présage favorable et il descendit au palais pour voir l’enfant. Il annonça : “Si ce prince reste au palais, il deviendra un grand roi et dominera le monde entier. Mais s’il abandonne la vie de cour pour embrasser la vie religieuse, il deviendra Bouddha, le libérateur du monde.”

Le roi fut tout d’abord très heureux d’entendre cette prophétie. Mais peu après, il commença à s’inquiéter de l’éventualité où son fils unique quitterait le palais pour devenir un ermite sans-demeure.

A l’âge de sept ans, le Prince commença à étudier les arts civils et militaires, mais ses pensées étaient plus naturellement tournées vers d’autres choses. Un jour de printemps, il sortit du palais avec son père et, ensemble, ils regardèrent un fermier qui labourait. Le Prince remarqua alors un oiseau qui descendait du ciel et s’emparait d’un petit ver que la charrue avait mis à jour en retournant la terre. Le Prince s’assit au pied d’un arbre et se mit à réfléchir là-dessus, se disant à lui-même : “Hélas ! Est-ce que tous les êtres vivants en arrivent à se tuer les uns les autres ? ”

Alors le Prince, qui avait perdu sa mère aussitôt après sa naissance, s’affligea profondément du drame de ces deux petits êtres.

Sa blessure spirituelle s’approfondit de jour en jour à mesure qu’il grandissait. Comme la petite cicatrice d’un jeune arbre, la souffrance de la vie humaine s’enracina toujours plus profondément dans son cœur.

Le roi se tourmentait de plus en plus à cause de la prophétie de l’ermite, et il s’efforçait par tous les moyens possibles de réjouir le Prince et de le faire penser à autre chose. Quand le Prince eut dix-neuf ans, le roi arrangea son mariage avec la Princesse Yaśodhara. C’était la fille de Suprabuddha, le Seigneur du Château de Devadaha et un frère de la défunte reine Mâya.

Durant dix ans, dans les divers Pavillons du Printemps, de l’Automne et de la Saison des Pluies, le Prince fut plongé dans un tourbillon de musique, de danse et de plaisir, mais ses pensées revenaient toujours au problème de la souffrance et il s’efforçait de comprendre le vrai sens de la vie humaine.

Les sutras content le fameux éveil de Gautama à la réalité des choses par le biais de la parabole des quatre portes.

Un jour, sortant du palais de son père par la porte Est, il rencontra un vieillard. Un autre jour, franchissant la porte du Sud, il vit un malade. A une autre occasion, passant par la porte de l’Ouest, il vit un cortège emmenant un cadavre. Ces rencontres le portèrent à réfléchir sur la condition de l’être humain, inéluctablement confronté aux quatre souffrances : la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort. La pensée d’avoir un jour à affronter ces souffrances dût être pour lui une souffrance encore plus intolérable. Il n’eut dès lors de cesse que de trouver une solution à ces souffrances.

“Les luxes du palais, la santé du corps, les joies de la jeunesse, qu’est-ce que tout cela signifie pour moi ? ”, pensait-il. “Un jour, peut-être que je serai malade, et puis je deviendrai vieux et je ne pourrai échapper à la mort ! L’orgueil de la jeunesse, l’orgueil de la santé, l’orgueil de l’existence, tous les êtres sensés devraient les laisser de côté ! ”

“Un homme qui lutte pour sa vie cherche tout naturellement du secours. Or, il y a deux manières de chercher du secours : une juste et une fausse. La manière fausse, la voici : quand on constate que la maladie, la vieillesse et la mort sont inévitables, on cherche du secours parmi les choses qui sont tout aussi vides, tout aussi transitoires.

“La manière juste de chercher du secours, la voici : quand on découvre la vraie nature de la
maladie, de la vieillesse et de la mort, on cherche du secours dans ce qui est au-delà de toutes les souffrances de l’homme. Dans cette vie de plaisir du palais, il me semble que je cherche du secours de la fausse manière.”

Gautama entrevit le moyen de trouver cette solution lorsqu’enfin, sortant par la porte du Nord, il rencontra un ascète cherchant la voie.

 

C’est ainsi que la lutte spirituelle se fit jour dans le cœur du Prince jusqu’à l’âge de 29 ans (19 ans selon une autre thèse), époque où naquit Râhula, son unique enfant. Cet événement semble avoir porté les choses à leur comble, car c’est alors que le Prince décida de laisser son palais et de chercher la solution à son tourment intérieur dans la vie sans demeure d’un mendiant. C’est de nuit qu’il mit son projet à exécution : il quitta le palais avec seulement son cocher Chandaka et il montait Kanthaka, son cheval favori à la blancheur de neige.

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