Novembre 2015

Missive à Demoiselle Oto

(乙御前御消息 - Oto goze goshôsoku)

Le grand Maître Zhànrán disait : « la force de la protection des dieux dépend de la fermeté du cœur ». Cette phrase signifie que plus le cœur des hommes est solide, plus forte est la protection des dieux. Je dis cela pour vous ! Il n’y a rien à dire sur votre foi depuis le passé, mais à présent, elle doit être encore plus forte.

 

Je suis très heureux d’avoir pu, avec vous venus nombreux exprimer notre gratitude envers la bienfaisance de Nichiren Daishônin à l’occasion de la cérémonie de Okô de ce mois, par le biais de la lecture du Sutra et la récitation de Daimoku.

 

Aujourd’hui, j’ai célébré le rite de Mokushi-é. Tout à l’heure, j’ai apposé le Gohonzon sur la tête des enfants présents en priant pour que tous, grandissent en bonne santé, deviennent d’excellents pratiquants de la Nichiren Shôshû et des personnes remarquables dans la société.

 

Je voudrais évoquer, dans les grandes lignes, la biographie de Nichimoku Shônin.

 

Nichimoku Shônin est né la 1ère année de Bun’nô (1260) dans le village de Hatake, dans le conté de Niida, pays de Izu. On ne connaît pas la date de sa naissance.

 

Son nom d’enfance était Toraô Maru. En 1272 (9ème année de Bun’nei), à l’âge de 13 ans, il entra au temple Enzôbô du mont Sôtô, situé non loin de sa terre natale, pour y commencer ses études.

 

A 15 ans, il rencontra pour la première fois Nikkô Shônin en visite au temple du mont Sôtô. En 1276 (2ème année de Kenji), il entra dans les ordres en prenant Nikkô Shônin comme maître. De ce dernier il reçut le nom de Kunaikyô no Kimi, ce qui, en abrégé, donne Kyôkô.

 

Le 24ème jour du 11ème mois de la même année, il gravit les pentes du mont Minobu et rencontra pour la première fois Nichiren Daishônin. Dès ce jour, il servit en permanence Nichiren Daishônin au mont Minobu jusqu’en 1282 (5ème année de Kôan), où, avec Nikkô Shônin, il accompagna Nichiren Daishônin vers les sources chaudes de Hitachi où il devait prendre des soins thermaux.

 

En ce qui concerne le service incessant de Nichimoku Shônin à Minobu, le 59ème grand patriarche Nichikô Shônin écrivait dans la Biographie détaillée de Nikkô Shônin : « Nichimoku Shônin était d’une solidité physique remarquable. Quand il travaillait à ramasser des bûches et puiser de l’eau, il faisait plusieurs fois par jour l’aller-retour jusqu’à la rivière coulant dans la vallée, y puisait de l’eau dans un baquet qu’il posait sur sa tête. Pour cette raison, le sommet de son crâne se creusa naturellement. Les images le représentent le crâne aplatit ».

 

Nichiren Daishônin partant pour les sources chaudes, fit halte dans un premier temps dans la province de Musashi chez Ikegami Munenaka. En cours de route, Ise Hô-in, fils du personnage influent de Kamakura le Nyûdô Nikaidô Ise et moine érudit du mont Hiei (école du Tendai) voulut entreprendre un débat avec Nichiren Daishônin.

 

Nichiren Daishônin mandata alors à Nichimoku Shônin au débat pour l’y représenter. Celui-ci eut lieu sous la forme de dix questions. A chacune d’elle, Nichimoku Shônin réfuta son interlocuteur Ise Hô-in qui, finalement, ne trouvant plus rien à dire blêmit et s’enfuit en courant.

 

Apprenant les détails du débat, Nichiren Daishônin déclara, souriant et satisfait :

 

« Je le savais ! C’est pour ça que j’ai proposé Kyôkô ».

 

Après l’extinction de Nichiren Daishônin, Nichimoku Shônin accompagna Nikkô Shônin au mont Minobu. Par la suite, il fut autorisé par Nikkô Shônin à partir propager dans la région du Tôhoku (Nord-Est du Japon), ce qui était son fervent désir.

 

Le frère ainé de Nichimoku Shônin et toute la famille Niida vivait dans cette région du Nord-Est. A partir de leur demeure, il entreprit la propagation de l’enseignement et ainsi, fonda de nombreux temples. Aujourd’hui, il reste les temples Jôgyôji, Myôkyôji et d’autres encore.

 

Par ailleurs, il adressa à quarante-deux reprises des remontrances à la cour impériale et au shogounat. Fort de l’esprit de ne ménager ni son corps ni sa vie pour la propagation de l’enseignement correct, il partit au 11ème mois de la 1ère année de Genkô (1333), porteur d’une remontrance au souverain. Et c’est au cours de ce voyage qu’il acheva sa respectable vie, dans la neige, à Tarui, dans la province de Minô.

 

La cérémonie de Mokushi é est l’occasion d’exprimer notre gratitude envers la bienfaisance et les vertus de Nichimoku Shônin. En même temps, à travers son attitude de progresser dans shakubuku avec un courage indomptable pour la propagation de l’enseignement correct, de promettre de faire encore plus d’efforts.

 

Au Japon, le 15 novembre, on célèbre « shichi go san » (7 ans, 5 ans et 3 ans), rite par le biais duquel on fête le développement des enfants. Jadis, à l’époque où la médecine et les médicaments n’étaient pas aussi développés qu’aujourd’hui, la mortalité infantile était importante. Aussi, quand un enfant parvenait en vie à l’âge de 3 ans, de 5 ans et de 7 ans, c’était un événement fort louable que l’on fêtait par le rite de Shichi go san. Dans la Nichiren Shôshû également, on célèbre ce rite en priant le Gohonzon pour que les enfants se développent d’une manière aussi remarquable que Nichimoku Shônin, d’autant plus que le 15 novembre correspond à la date de son extinction.

 

Aujourd’hui, nous lisons un extrait de la Missive à Demoiselle Oto.

 

Cette lettre est appelée Missive à Demoiselle Oto, dans la mesure où il y est mentionné « A l’attention de Demoiselle Oto ». Or, en fonction de son contenu, on comprend que la lettre était adressée à sa mère, Nichimyô.

 

Nichimyô était une pratiquante qui vivait à Kamakura et qui, séparée de son mari élevait seule la jeune demoiselle Oto en s’efforçant dans la pratique. Lorsque Nichiren Daishônin fut exilé à Sado, alors que de nombreux croyants avaient arrêté la pratique, Nichimyô poursuivit sa foi sans ménager son corps ni sa vie.

 

De plus, pendant que Nichiren Daishônin était à Sado, Nichimyô alla lui rendre visite depuis Kamakura, entrainant avec elle Oto, encore bébé, sur cette périlleuse traversée de montagnes et d’océans.

 

Dans la Lettre à Nichimyô Shônin, Nichiren Daishônin écrit :

 

« Vous êtes la femme meilleure pratiquante du Sutra du Lotus au Japon. Aussi, je vous ai attribué avec respect un nom qui tire sa signification du Boddhisattva Toujours sans Mépris. C’est Nichimyô Shônin ».

 

Nous allons à présent voir le Gosho dans son ensemble.

 

Avant l’introduction du Bouddhisme en Chine, il y avait les textes canoniques exposant les deux voies du Confucianisme et du Taoïsme établies par les trois Augustes, les cinq Empereurs, Lao-Tseu et Confucius. Or, par la suite, le Bouddhisme fut introduit. L’opinion publique fut divisée entre deux avis contraires. Fallait-il utiliser les textes du Confucianisme ou ceux du Bouddhisme ? Des confrontations sur la place publique démontrèrent les différences de supériorité et d’infériorité, de profondeur et de superficialité, à la suite de quoi, on utilisa les sutras du Bouddhisme. Au début, Nichiren Daishônin relate ce processus d’adoption du Bouddhisme.

 

De plus, au sein-même du Bouddhisme, il existe des différences de supériorité et d’infériorité, de profondeur et de superficialité entre le Mahayana et le Hinayana, les sutras exotériques et les sutras ésotériques, les sutras circonstanciels et le sutra véritable. Nichiren Daishônin indique que le Sutra du Lotus est le sutra le plus supérieur, dans la mesure où, entre autre, il permet de sauver tous les êtres, les mauvais hommes aussi bien que les femmes.

 

Ensuite, Nichiren Daishônin évoque la supériorité et l’infériorité entre les maîtres du Shingon, qui propageaient le Sutra Dainichi et lui-même, le pratiquant du Sutra du Lotus, puis, entre les maîtres de toutes les écoles et le pratiquant du Sutra du Lotus. En fait, à l’époque, avant l’attaque des Mongols, les gens étaient très arrogants et dédaignaient impitoyablement les prédictions de Nichiren Daishônin. Cependant, à présent que ces prédictions étaient devenues des réalités, leur arrogance avait disparue, faisant place à du désappointement et craignaient même de  le rencontrer. Tel était l’effet de la haine portée par les moines de toutes les écoles envers Nichiren Daishônin, montrant à quel point le pratiquant du Sutra du Lotus était supérieur.

 

Ensuite, Nichiren Daishônin fait l’éloge sincère de Nichimyô qui construit sa vie de manière remarquable et s’efforce dans la pratique et ce, sans mari, alors que la vie quotidienne est difficile même lorsqu’on a un conjoint. En même temps, il loue la profondeur de sa foi l’ayant menée à entreprendre ces longs voyage pour lui rendre visite à Sado, puis à Minobu.

 

Ensuite, Nichiren Daishônin indique à Nichimyô que le Sutra du Lotus enseigne que les divinités bénéfiques protègent infailliblement les femmes. Toutefois, pour cela également, il faut qu’elle renforce sa foi encore plus que jusqu’à présent.

 

Il indique ensuite par la logique que grâce à la force du cœur ayant foi dans le Sutra du Lotus, la protection des divinités bénéfiques se manifeste. A présent, les gens suivent un général au cœur faible et dénué de foi et se battent contre les Mongols. Par la suite, après avoir payé un lourd tribut de victimes, ils comprendront cette logique.

 

L’extrait de ce mois se situe dans cette partie.

 

Nichiren Daishônin enseigne ensuite à Nichimyô que quel que soit l’homme qu’elle prendra pour époux, s’il offense le Sutra du Lotus, il ne faudra pas le suivre. Il indique ensuite que celui qui dénonce clairement le fait que les Japonais d’aujourd’hui sont les ennemis du Sutra du Lotus et qu’ils sont sur le point de se détruire eux-mêmes et de détruire le pays est le pratiquant du Sutra du Lotus.

 

Il cite ensuite les phrases du Sutra du Nirvana : « le corps est léger, mais le Dharma est lourd », et « propager le Dharma en tuant son corps ». Même si le corps est léger et la personne méprisable, le Dharma étant le plus supérieur, si l’on confie sa vie au Dharma merveilleux, ce corps sera alors immanquablement vénéré en tant que vie respectable.

 

Ensuite, Nichiren Daishônin dit que les œuvres et vertus inhérentes au fait de sauver une seule personne sont incommensurables. Dès lors, les œuvres et vertus générées par le salut des gens de tout le japon et du monde entier sont véritablement hors de description. Les gens méprisent, critiquent Nichiren Daishônin Ils refusent d’écouter le Dharma merveilleux et sont stupides au point où ils vont détruire le pays.

 

Nichiren Daishônin termine sa lettre par des mots débordant d’affection et de compassion à l’égard d’Oto, la fille de Nichimyô, constatant à quel point elle s’est développée et est devenue sage.

 

Voyons à présent l’extrait lui-même.

 

Le grand Maître Zhànrán disait : « la force de la protection des dieux dépend de la fermeté du cœur ».

 

Cette phrase apparaît dans d’autres Gosho.

 

Dans Les erreurs du Shingon et des autres écoles Nichiren Daishônin écrit :

 

En fait, [je rencontre toutes ces difficultés parce que] mon karma antérieur n’est peut-être pas encore consommé. Si je suis exilé, le souverain de l’enseignement, le vénéré Shakya viendra sans doute me recouvrir d’un vêtement. C’est pour cela que le douzième jour du neuvième mois de l’année dernière, j’ai échappé aux mâchoires de la mort. C’est ce que signifie [la phrase de la Transmission de l’aide à la pratique du Grand Arrêt et Examen de Miao-lè (Zhànrán)] "« la force de la protection des dieux dépend de la fermeté du cœur". N’en doutez-pas. Vous ne devez absolument pas douter [de la protection des divinités bénéfiques].

 

Dans le Gosho intitulé La protection du Dôjô par les divinités, il écrit :

 

Dans le huitième volume du Grand arrêt et examen il est écrit : « dans le sanctuaire de Taishaku, les démons sont comme respectueusement effrayés. Si la divinité est puissante, ils ne font pas intrusion sans raison. Si le châtelain est puissant, ses gardes seront forts. S’il est craintif, ils seront des poltrons. Le cœur est le maître du corps. Les divinités Dômyô (même nom) et Dôshô (même naissance) protègent sans cesse les gens. Si leur cœur est fort, leur protection est renforcée. S’il en est ainsi des divinités protégeant le corps, à plus forte raison cela est vrai pour les divinités qui protègent le Dôjô ». Dans le huitième volume de la Transmission de l’aide à la pratique du Grand Arrêt et Examen, il est écrit : "même si [Dômyô et Dôshô] protègent sans cesse les gens, cette protection dépend uniquement de la force de leur cœur.

 

Dans une Réponse à Messire Shijô Kingo nous lisons :

 

Dans le huitième volume du Grand arrêt et examen, et dans le huitième volume de la Transmission de l’aide à la pratique du Grand Arrêt et Examen, il est écrit : « la force de la protection des dieux dépend de la fermeté du cœur ». Il apparaît que la protection des divinités dépend de la force du cœur des hommes.

 

Comme ces passages l’indiquent, ces paroles sont extraites du Grand arrêt et examen du grand maître du Tendai et des commentaires qu’en fit le grand maître Miao-lè (Zhànrán) dans sa Transmission de l’aide à la pratique du Grand Arrêt et Examen.

 

Autrement dit, seules les personnes dotées d’une forte foi dans le Sutra du Lotus bénéficient infailliblement de la protection des divinités bénéfiques (shoten zenjin). Il va sans dire, ici, le Sutra du Lotus fait référence au Gohonzon. Notre foi sincère dans le Gohonzon, et notre pratique assidue nous font bénéficier de cette protection.

 

A l’inverse, celui qui n’a pas une foi très profonde, ne peut bénéficier ni de la protection du Bouddha, ni de celle des divinités bénéfiques.

 

Dès lors, le plus important est de croire du fond du cœur dans le Gohonzon. C’est ce qu’on appelle la force de la foi. C’est parce qu’on croit fermement que nait l’ascèse de la pratique pour soi et de la conversion d’autrui, autrement dit la force de la pratique.

 

Le grand patriarche Nichinyo Shônin donnait la directive suivante :

 

« Par exemple, quels que soient les difficultés ou les obstacles venant nous provoquer, si nous demeurons dans la foi libérée du doute et que cette foi est puissante au point d’être inébranlable, nous pourrons infailliblement recevoir le grand bienfait de transformer l’illusion en éveil.

 

Toutefois, comme l’écrivait Nichiren Daishônin : « que votre souhait se réalise ou non, tout dépend de votre foi ». Il convient de bien graver en nous que la réalisation de nos vœux est déterminée par l’état de notre foi. »

 

Si, tout en affirmant « je crois », on ne fait pas Gongyô ni ne récite le Daimoku, cette attitude n’est pas celle de la foi. Si on fait Gongyô et récite Daimoku mais on néglige la pratique de la conversion d’autrui, là non plus, ce n’est pas une foi correcte. Révisons aujourd’hui notre propre foi.

 

Je dis cela pour vous ! Il n’y a rien à dire sur votre foi depuis le passé, mais à présent, elle doit être encore plus forte.

 

Bien sûr, ces paroles ont été écrites à l’attention de Nichimyô Shônin. Toutefois, nous devons tous considérer qu’elle s’adresse à chacun de nous.

 

Comme je l’ai dis au début, Nichimyô Shônin, amenant son bébé demoiselle Oto, fit le voyage de Kamakura à Sado où était exilé Nichiren Daishônin. C’était une femme. De plus, elle entreprenait ce long voyage avec un bébé. On peut difficilement imaginer à quel point ce périple fut terrible. C’est l’expression du véritable esprit de rechercher la voie, de rechercher le Dharma. C’est une attitude dans la foi qui devrait nous servir de modèle.

 

Nichiren Daishônin loue cette attitude de la foi écrivant : « il n’y a rien à dire sur votre foi depuis le passé ». Il ajoute toutefois à titre d’encouragement : « mais à présent, elle doit être encore plus forte ».

 

Nous aussi, nous devons faire davantage d’efforts qu’à présent, en approfondissant d’un pas notre foi.

 

Il ne reste qu’un mois et demi à cette année. Efforçons-nous autant que nous le pouvons dans la foi.

 

C’est par ces mots que j’achève ce sermon à l’occasion de la cérémonie de gratitude d’Okô. Merci de votre visite au temple.

 

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