Sermon de Okô

Mai 2010

Réponse à la nonne Myôhô

 

Lorsque j’y pense, j’ai étudié le Dharma du Bouddha depuis mon enfance. J’ai formulé un vœu sincère. Mais la vie des hommes est impermanente ; le souffle expiré n’attend pas le souffle inspiré. La rosée sous le vent n’est pas un vain exemple. La nature des choses est impermanente pour tous, que l’on soit intelligent ou sot, âgé ou jeune. Aussi, convient-il d’apprendre en premier lieu ce qui concerne l’instant suprême et d’étudier le reste seulement après.

 

Je vous remercie, pratiquants du Shingyôji d’être venus à l’occasion de la célébration de la cérémonie de Okô du mois de mai et d’avoir ensemble lu le sutra et récité le Daimoku à titre de gratitude, en dépit de vos occupations.

Ce mois-ci, le Gosho étudié est « Réponse à la nonne Myôhô ».

Lisons l’extrait ensemble.

Ce Gosho est une lettre écrite au mont Minobu le 14 juillet de la 3e année de Kôan (1280).

La nonne Myôhô était une pratiquante habitant à Okamiya, dans le pays de Suruga. (Okamiya s’appelle à présent Numazu et est situé dans la préfecture de Shizuoka). On ne sait pratiquement rien de cette femme. Toutefois, le fait que trois Gosho lui ayant été adressés existent encore actuellement, laisse à penser qu’elle était une croyante dotée d’une forte foi.

Je vais d’abord parler du Gosho entier.

La nonne Myôhô avait envoyé une lettre à Nichiren Daishônin pour lui faire part du décès de son époux, disant : "De son vivant, mon mari récitait beaucoup de Daimoku et, au moment de mourir, il récitait fermement Nam Myôhôrengekyô. Juste après, sa mort, sa peau est devenue plus blanche que de son vivant et il avait un beau visage". Nichiren Daishônin évoque ces propos au début du Gosho, puis cite le sutra et les commentaires au sujet de l’aspect au moment de la mort.

Le passage lu aujourd’hui fait partie du paragraphe suivant, dans lequel Nichiren Daishônin explique qu’à la lueur des textes écrits par les divers maîtres des traités ou maîtres hommes ordinaires, il existe des éléments indubitables quant à l’aspect au moment de la mort et se désole que les gens de ce monde dissimulent l’aspect de la chute en enfer de leur maître et disent qu’il est devenu Bouddha, chose vraiment triste.

Par contre, la nonne Myôhô ayant écrit que "le visage du défunt était plus blanc que de son vivant", Nichiren Daishônin évoquant l’aspect de Tendai et d’autres au moment de leur mort et citant le « Sutra du Lotus », autrement dit citant l’attestation scripturaire et l’attestation actuelle, lui explique qu’il s’agit là de l’aspect de la boddhéité.

Il enseigne ensuite que le « Sutra du Lotus » est le sutra véritable au sein de tous les enseignements sacrés du Bouddha et que celui qui garde le Titre, autrement dit le Daimoku du « Sutra du Lotus » devient immanquablement Bouddha. L’époux de la nonne Myôhô ayant lui-même récité Nam Myôhôrengekyô à son ultime instant suprême, son éveil dès ce corps est indubitable. La boddhéité de sa femme, la nonne Myôhô également, est hors de doute. Si ce n’était pas le cas, le vénéré Shakya serait alors un grand menteur. Telle est la conclusion de cette lettre.

Je vais à présent commenter la phrase de ce mois.

Lorsque j’y pense, j’ai étudié le Dharma du Bouddha depuis mon enfance.

Dans la « Réfutation de Ryôkan », Nichiren Daishônin écrit :

"Comme vous le savez, depuis ma prime enfance, je m’intéresse à l’étude. De plus, j’ai émis le vœu devant le grand bodhisattva Akasagarbha : ‘fais de moi l’homme le plus sage du Japon’. J’ai formulé ce vœu parvenu à l’âge de douze ans".

A l’âge de 12 ans, Nichiren Daishônin se rendit au temple Seichôji, proche de sa demeure natale, où il étudia sérieusement l’enseignement du Bouddha et d’autres matières. Il semble que déjà auparavant, il avait déjà appris l’écriture et la lecture auprès de son père.

Il semble également qu’en même temps, il avait vu et entendu l’aspect instable du monde à cette époque et que malgré son jeune âge il se demandait vaguement quelle pouvait être la cause de la perturbation de la société. Ce souci est perceptible dans l’extrait de la « Réfutation de Ryôkan et des autres », cité ci-dessus, dans lequel on voit qu’il ressentait fortement la nécessité de devenir l’homme le plus sage du Japon pour trouver la cause de cette instabilité.

Les raisons pour lesquelles il demanda "fais de moi l’homme le plus sage du Japon’. J’ai formulé ce vœu parvenu à l’âge de douze ans" sont expliquées dans la « Vie de Nichiren Daishônin » que je vais à présent citer.

A cette époque, il y avait une guerre entre la cour impériale et les samouraïs. C’est ce que l’on nomme la révolte de Jôkyû (1221). L’empereur demanda aux moines de haut rang des écoles du Tendai ou des Paroles incantatoires (Shingon) de faire des prières pour la victoire sur les samouraïs. Or, en définitive, la cour subit une défaite extraordinaire entrainant l’exil de trois empereurs. Nichiren Daishônin ressentit des doutes à ce sujet. Ceci fut la première raison de son invocation à Akasagarbha. De plus, il écrivait dans un Gosho intitulé « Les souverains de notre pays divin » :

"Pour voir notre propre visage, il faut un clair miroir. Pour mesurer l’essor ou le déclin du pays, rien ne surpasse le miroir de l’enseignement du Bouddha".

Ces passages nous montrent que Nichiren Daishônin s’était rendu compte qu’il lui fallait approfondir complètement l’enseignement du Bouddha pour devenir l’homme le plus sage du Japon.

La deuxième raison de son vœu était qu’il souhaitait dissiper son doute : pourquoi, alors que le bouddhisme est un enseignement prêché par le seul Bouddha Shakyamuni, se divise-t-il en de nombreux écoles et courants ?

La troisième raison était un doute profond ressenti vis-à-vis du Nenbutsu, dont les pratiquants, à Awa, sa terre natale, montraient un terrible aspect de folie au moment de leur mort. Il formula son vœu pour dissiper ce doute.

Ces trois points apparaissant à travers les écrits de Nichiren Daishônin constituent les raisons pour lesquelles Nichiren Daishônin fit le vœu de devenir l’homme le plus sage du Japon.

Parmi ces trois points, gardons à l’esprit le troisième à l’étude de la suite de l’extrait.

J’ai formulé un vœu sincère. Mais la vie des hommes est impermanente ; le souffle expiré n’attend pas le souffle inspiré. La rosée sous le vent n’est pas un vain exemple. La nature des choses est impermanente pour tous, que l’on soit intelligent ou sot, âgé ou jeune.

Comme le dit Nichiren Daishônin, tout ce qui vit, qu’il soit sage ou sot, jeune ou vieux, se dirige inexorablement vers la mort.

"Je ne veux pas mourir ! Je veux vivre encore" ! Tel est sans doute le vœu éternel de l’humanité. C’est un sentiment invariable depuis les temps anciens, dont un cas célèbre est l’empereur Shi de la dynastie des Qin, qui unifia la Chine avant notre ère. Il donna l’ordre à ses vassaux d’aller dans le pays de Pénglái, situé à l’est, leur demandant : "rapportez l’élixir de jouvence et de vie éternelle, ramenez un ermite" ! Toutefois, ce genre de chose n’existant pas, finalement, l’empereur Shi de la dynastie des Qin mourut.

Dans le « Traité sur la bodhéité au début de la foi dans le Sutra du Lotus », Nichiren Daishônin écrit :

C’est comme s’il n’y avait pas de pierre dans les monts Kūnlún, c’est comme s’il n’y avait pas de poison dans les montagnes du Pénglái".

Une légende dit que les ermites vivant dans les monts Kūnlún prennent l’élixir de jouvence et de vie éternelle qui existe dans ce lieu et peuvent vivre indéfiniment.

Du point de vue historique, il semble que seuls les hommes ayant un grand pouvoir recherchèrent la jeunesse et la vie éternelles. Ce serait donc un sentiment naissant par le désir de conserver indéfiniment le pouvoir.

Toutefois, personne n’a réalisé la non vieillesse et la non mort.

Or, même dans le « Sutra du Lotus », nous pouvons lire :

"Ce sutra est le bon remède aux maladies des hommes du Janbudvipa. Celui qui est malade et a foi dans ce sutra, verra sa maladie disparaitre immédiatement, ne vieillira pas et ne mourra pas". Si l’on a foi dans le « Sutra du Lotus », on peut obtenir le bienfait de ne pas vieillir et de ne pas mourir.

Ceci exprime les œuvres et vertus de croire dans le « Sutra du Lotus ». Comme vous le savez, le chapitre des « Moyens » du « Sutra du Lotus » expose le principe du véritable aspect des dharmas, montrant le principe de l’éveil de toutes les choses. Ensuite, les deux véhicules, tenus pour être éternellement incapables de devenir Bouddhas, reçoivent l’annonciation de leur nom de Bouddhas futurs. Aussi, l’enseignement correct du « Sutra du Lotus » est-il comparé à un remède. Les deux véhicules buvant ce remède, autrement dit ayant foi dans le « Sutra du Lotus », purent se débarrasser de leur attachement à l’éveil du Petit véhicule, qu’ils considéraient jusqu’alors être le véritable éveil (cet attachement est comparable à une maladie) et réaliser que leur propre vie, comme celle du Bouddha, demeure en permanence. Eternelle et présente en permanence, correspond à ne pas vieillir et ne pas mourir.

Il en est de même pour nous. Si nous avons foi dans le Dai Gohonzon du Kaidan de la doctrine originelle et que nous nous efforçons dans la pratique personnelle et la conversion d’autrui, nous pouvons dès lors guérir des maladies ordinaires, ça va de soi, mais aussi purifier notre vie atteinte par les trois poisons et avoir la conviction de la permanence de notre vie. Autrement dit, la non vieillesse et la non mort ne possèdent pas une signification d’éternité physique. Il s’agit d’ouvrir la nature de Bouddha présente en notre vie, de devenir Bouddha et, avec le Bouddha originel, d’obtenir l’état de vie de "Permanence, Félicité, Soi et Pureté".

Bien entendu, en tant que bienfait de la pratique, il arrive que l’on puisse déployer son énergie pour la vaste propagation en étant toujours jeune. Même en prenant de l’âge, de nombreuses personnes s’efforcent dans shakubuku sans différence avec les jeunes.

Je fais une digression, mais le principe de non vieillesse et de non mort apparaît également dans la forme de l’enchâssement dans le Kyakuden.

Le Grand Patriarche retiré Nikken Shônin donnait l’orientation suivante :

"Dans le Kyakuden, Nichiren Daishônin est enchâssé à la gauche du Gohonzon et Nikkô Shônin à la droite. Nichiren Daishônin est représenté avec un aspect jeune. Ceci exprime la non vieillesse. A droite, Nikkô Shônin a un aspect extrêmement âgé, exprimant la non mort. Tout en manifestant l’aspect de la signification du remède merveilleux de non vieillesse et de non mort du « Sutra du Lotus », Le Gohonzon représente dans ce cas le trésor du Dharma, Nichiren Daishônin représente le trésor du Bouddha et Nikkô Shônin représente le trésor du Moine. Autrement dit cette forme d’enchâssement représente les trois trésors en corps séparés".

Or, en général, nous ne pensons pas vraiment à la "mort" dans notre vie quotidienne. Nous avons plutôt tendance à éviter le sujet. Je pense que l’une des raisons de cette exécration est que nous n’avons absolument aucune expérience de "la mort" et qu’il s’agit d’un domaine inconnu.

Et puis, en particulier lorsqu’on est jeune, on vit au jour le jour comme si "la mort ne nous concernait pas". Toutefois, en grandissant, on perd ses parents, ou encore on tombe gravement malade, ou l’on a soi-même des petits enfants. Par le biais de ces expériences, les gens normaux finissent enfin à penser à "la mort".

On peut dire que la "mort" est le bilan général d’une vie, sa conclusion. Etant également le dernier instant de la vie, si l’on n’accomplit pas parfaitement cette finition, il se peut que tout ce qu’on a fait jusqu’à ce moment n’ait servi à rien.

Par ailleurs, en Bouddhisme, la mort n’est pas quelque chose d’exécrable, puisqu’il enseigne qu’elle constitue telle quelle le point de départ vers "la vie" suivante, qu’elle est donc le début de la vie. Les deux extrémités que sont la vie et la mort sont des éléments opposés. Or, en fait, "la vie et la mort sont une unique vérité". C’est pourquoi, le dernier instant suprême est extrêmement important.

Lisons à présent la fin du passage

Aussi, convient-il d’apprendre en premier lieu ce qui concerne l’instant suprême et d’étudier le reste seulement après.

Nichiren Daishônin nous montre ainsi qu’il est essentiel de garder à l’esprit l’instant suprême.

On ne sait pas quand va tomber le rideau d’une vie. "Aussi, convient-il d’apprendre en premier lieu ce qui concerne l’instant suprême", autrement dit, Nichiren Daishônin nous dit qu’il faut avant tout étudier l’enseignement permettant de devenir Bouddha, ce qui signifie avoir la foi et pratiquer.

"L’importance de la pensée correcte à l’instant suprême" est enseignée dans la pratique de la Nichiren Shôshû.

A ce sujet, dans son « Traité sur les précautions à l’instant suprême », Nichikan Shônin explique qu’il existe "l’instant suprême au cours de nombreuses années" et "l’instant suprême instantané". Je voudrais citer en substance cette partie.

"L’instant suprême au cours de nombreuses années", c’est penser que la journée d’aujourd’hui n’existera qu’aujourd’hui et progresser avec énergie en récitant le Daimoku quel que soit le moment.

Quant à "l’instant suprême instantané", c’est le dernier moment de la vie.

Comme le signifie bien l’expression "la Une pensée à l’instant suprême est l’œuvre des actes effectués pendant de nombreuses années", si l’on ne s’en préoccupe pas au quotidien et que l’on pense faire bien seulement à ce moment, on n’y parvient pas. Toutes les actions faites chaque jour de notre vie s’accumulent et se manifestent dans la une pensée de notre instant suprême.

Par exemple, en fonction de la personne qui le coupe, un arbre bien droit peut tomber dans la direction souhaitée. Cependant, un arbre qui penche vers la droite, quel que soit le côté où on le coupe, ne tombera que vers la droite. Ceci est dû à la cause extérieure et à la cause principale de la courbure de l’arbre vers la droite, qu’il possédait de son vivant. C’est la même chose pour les hommes. Toutes les actions effectuées par une personne tout au long de sa vie (causes extérieures) et la vie de cette personne (cause intérieure principale), apparaissent au moment de l’instant suprême.

On dit que "la rétribution reçue à l’instant suprême est attirée par ce qui est fort". La rétribution reçue à l’instant suprême est tirée par le caractère ou les mauvaises habitudes les plus fortes de la personne. La rétribution, l’effet de toute une vie va dans la direction des plus fortes mauvaises habitudes de la personne et apparaît dans la une pensée à l’instant suprême. Cette une pensée détermine la vie suivante".

C’est pourquoi, dans la perspective de se diriger de manière correcte vers l’instant suprême, l’attitude spirituelle au quotidien est importante et réciter sans cesse le Daimoku est essentiel.

Afin d’être prêt au moment opportun, des préparatifs quotidiens sont nécessaires. Sinon, lorsque ce moment survient, on tombe dans la panique.

Il ne faut pas que "celui qui est sur le point de mourir pense ce n’est pas maintenant, pas maintenant". Personne ne sait ce qui va se passer dans l’instant suivant. Il est essentiel de s’efforcer chaque jour dans la pratique personnelle et la conversion d’autrui avec la pensée que "l’instant suprême c’est maintenant" à l’esprit.

Ainsi, s’achève mon sermon de ce mois. Je vous remercie de votre participation.

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